Topic or not topic, that is the question… car j’expire … l’idée même de vous apporter un petit quelque chose de neuf tant ce forum, théâtre de nombreux débats, est source d’expériences avisées. Mais je ne saurai rien vous prendre sans rien rendre en retour. Je propose, à mon tour, de présenter mes adultes terrapènes à travers quelques photos encadrées de mots. Vous découvrirez quelques clichés de leur vie en ces terres bretonnes où le soleil brille comme partout ailleurs.
Ce qui, parfois, étonne !
Ce mâle T.Carolina Triungis fut découvert dans le jardin d’un particulier aux heures éclatantes des bourgeons en gésine échauffés au soleil printanier. D’où venait-il, où allait-il, qui était-il ? Aux alentours, nul ne le savait. Crotté jusqu’à la tête, de boue vêtue, il trainait sa vêture fangeuse, l’esprit guidé par l’aventure de ses impérieuses appétences: prendre un ver, courir la prétentaine et se mettre au vert en toute discrétion. Le vivre et le couvert lui fut offerts avec un réel plaisir.
Jusqu’à ce jour, cet aventurier reste un tantinet sauvage. Les chaleurs évanouies, il s’adonne à loisir au farniente, roupille le nez dans le foin ou rêve les yeux ouverts à l’abri de sa carapace, tranquille dans l’ombre de sa cabane.
Frugal en journée, il chasse à l’aube les petits gris et les limaces grandes dévoreuses de semis potagers. Enivrées de chlorophylle et de rosée, ces dernières s’en vont avec grâce et rotondité, trainant du pied, d’un pas lent et sinueux, s’abriter dans d’obscures retraites, délaissant dans leur sillage un filet d’argent, glissant et gluant sous l’œil bienveillant de notre chasseur guidé par ces traces irisées. Pensif, bien campé sur ces antérieurs, le cou étiré, il tourne la tête, oriente son regard écarlate et, d’un coup véloce, il les chope, les avale à la régalade d’un claquement de gosier sonore. Il pourvoit à leur mise en bière sans amertume puis efface d’un revers de patte un reste de mousse accrochée aux commissures de la bouche. Arion roux ou blond, rien ne rebute notre accro aux gastéropodes qui ne fait rien à demi au détriment des crapauds et hérissons du coin.
Jusqu’au début du mois de septembre de cette année, il vivait seul dans son espace car sa promise demeurait énigmatique. Sans certitude, Je ne voulais point commettre de mésalliance.
Mais le temps est compté car madame n’est plus jeunette.
En effet, je crains que le cumul des ans l’amène aux pauses… (Pardon, mesdames !)
Quelques années plus tôt, Dame Carolina Triungis (?) fut trouvée dans une jardinerie, dans un carton aux pans repliés posé au sol, entre les oiseaux chanteurs encagés et les poissons bullant dans le vague de leurs aquariums exotiques. Dénommée tortue boite américaine par le vendeur, ce professionnel me la céda pour un mâle adulte car, à son avis, sa carapace aux traits ensoleillés sur fond de brume ne laissait point de doute sur sa vraie nature.
Le pauvre n’avait pas bonne mine. Ses marginales peu développées laissaient apparaître des carences dans sa vie passée. Pendant un mois, il refusa de se nourrir. Il délaissait limaces et autres bêtes à cornes divaguées dans le vivarium, ne goûtait point au haché de bœuf et abats présentés. La poésie du vers se tortillant langoureusement en tous sens, ne touchait point son âme rétive. Rien ne rimait avec son appétit. Fort soucieux, ne sachant que faire, je lui offris des fleurs de pissenlit couronnées de verdure. Il les dévora à dent de lion. Petit à petit, de salades diverses tartinées aux protéines animales, le régime carné fut réintroduit et monsieur ne fait plus la fine bouche devant un lombric jouant la danse du ventre. Il vient le cueillir dans les mains.
Puis un jour, six ans après son acquisition, lors de la réfection de son parc extérieur, je le déposais dans le jardin des jeunes Eurotestudo Hermanni.Un coquin du coin vint lui conter fleurette, donna de la coquille contre sa robe fleurie en lui mordillant les membres. Quelques semaines plus tard, seul dans son enceinte, il se mit à creuser de ses pattes arrière et déposa deux œufs blancs … résolument blancs. Outre le fait que le vendeur m’avait travesti la réalité, j’avais été fou de rêver (sans conviction) que, puisant dans sa « spermatothèque », alimentée d’étreintes forts lointaines d’avec un amant de son espèce, Dame Carolina aurait pu donner naissance à un bébé terrapène. Dans cette histoire troublante, de cet amour fugace interdit par mère nature, notre ami l’Hermanni n’aurait été en faite qu’un catalyseur libérant une libido endormie. Un baiser aurait réveillé la belle au bois dormant à la passion.
Tutur, de son prénom, devint Tuturette et chaque année, en souvenir de ce sentimental abandon, elle pond. Hélas, ces derniers temps, elles n’enterrent plus ses deux œufs devenus fragiles, souvent cassés ou fêlés. Elle les abandonne un par un, espacés de quinze jours. Le poids des ans amènerait-il son organisme à battre en retraite. Ce temps à-ride la conduirait-il au désert des sentiments charnels ?
Mais aussi, qui était-elle vraiment ? La détermination de sa famille me posait problème. Etait-ce une T.C.C, une T.C.B ou une T.C.T ? Autant de mystère sous sa robe me laissait perplexe.
Il est vrai, la belle n’a que trois doigts aux pattes arrière, un plastron immaculé, un iris brun… autant d’éléments qui nous font pencher sur la dernière dénomination car vous fûtes nombreux à abonder dans ce sens.
Alors, un matin de septembre de cet an neuf, je l’ai présentée au prince charmant.
Il est bien connu, en psychologie expérimentale, que la seule vue d’une rate peut amener un rat à traverser un grillage électrique. Mais l’inverse ne se produit pas. La femelle se laisse courtiser, hésite à choisir, sourit à l’élu ou le rabroue selon son cœur. L’insistant se fera mettre verbalement en boite. Ce raccourci n’est-il pas quelque peu humain ? Chez les terrapenes, la parade n’est guère différente. Madame, sans mot dire, adopte cette position en remontant ses lobes du plastron afin d’éconduire son prétendant ou s’ouvre à ses délicates intentions.
Mais revenons à notre héros. Membres dressés, crâne haut, le cou tendu, il plastronna puis tourna autour de la femelle qui, tête rentré sous sa coquille, le surveillait mais ne se referma pas comme une huitre. Celui-ci lui mordit les pattes et la carapace, la monta tout en lui « caressant » la dossière de ses pattes antérieures. Les cloaques en contact, le mâle se laissa glisser en arrière, prit la position dite « de la chaise longue », les chevilles postérieures coincées contre les pattes arrière de sa partenaire qui, pour arrimer fortement son compagnon, releva un peu le lobe idoine de son plastron. L’idylle dura des heures.
Ils recommencèrent au mois d’octobre dans le jardin intérieur. L’affaire fut sérieuse. Pressentaient-ils la séparation hivernale ? Ils s’endormirent entrelacés jusqu’au matin. Puis, chacun dans un coin, ils rentrèrent en hibernation, emmitouflés sous les écorces et la terre.
Après l’embûche de noël, où dame dinde succombant aux marrons devient le dindon de la farce de ces réunions festives, je me mettrai à table. De fil en aiguille, vous découvrirez leur maintenance intérieure et extérieure. Il y aura matière à débattre…
Bonne fêtes à tous et de tout cœur, soyez heureux !