Suite à de nombreuses questions et remarques en privé, je précise ici ma pensée concernant le groupe marginata.
Testudo marginata a été décrite en 1792 ou 1793 par Schoepff à partir d'une tortue originaire de Grèce, probablement la province de l'Attique.
Ces tortues existent également en Sardaigne, mais la date de leur introduction reste hypothétique, la majeure partie des auteurs s'accordant plutôt sur le 18ème ou 19ème siècle, par des moines et à des fins culinaires. Néanmoins, Mayer a proposé en 1990 une individualisation sous la forme de sous-espèce : Testudo marginata sarda, la forme type de Grèce continentale devenant du même coup Testudo marginata marginata.
Enfin, Bour a nommé en 1995, sous le nom Testudo weissingeri une tortue remarquée initialement par Weissinger dans les années 1980 pour présenter notamment une taille plus petite et une jupe moins marquée que Testudo marginata. D'emblée une polémique s'est installée, les uns y voyant une sous-espèce de marginata, d'autres un simple morphotype adaptatif à des conditions de vie difficiles, ce qu'on appelle un écotype. Mais Bour, appuyé par Perälä, a maintenu le statut spécifique
sur la bases de critères uniquement morphologiques, et l'école française a suivi.
En 2005, une étude génétique basée sur les marqueurs mitochondriaux et nucléaires a montré que, si le groupe marginata s'individualise sans problème d'autres taxons, notamment des groupes proches ibera et graeca, il est impossible de distinguer génétiquement les Tmm, les Tms et les Tw. Néanmoins, Fritz n'est pas allée plus loin et n'a pas proposé de modification de la nomenclature.
Pour l'heure, même si l'étude génétique est en train d'être reprise par la thésarde de Bour, afin de confirmer ou d'infirmer les trouvailles de Fritz, il n'y a pas d'alternative nomenclaturale, et nous sommes obligés de parler de Tw. Au mieux, pouvons-nous parler de :
- Tm de souche grecque pour désigner les Tmm
- Tm de souche sarde pour désigner les Tms
- Tm originaire des environs de Kardamily pour désigner les Tw.
Dans tous les cas, nous sommes persuadé que l'intérêt génétique d'une espèce n'est pas d'avoir un melting pot global où on mélange tous les individus, mais d'avoir un maximum de diversité. Il est donc indispensable de préserver une nomenclature tenant compte de l'origine géograpique de ces tortues, permettant dans tous les cas de dégager 3 lignées.
Nous ayons certes parlé pour désigner la lignée de Kardamily de Testudo marginata 'Weissingeri' (d'un point de vue taxonomique, les ' ' sont importants et sont à distinguer de " ", et la majuscule et l'absence d'italiques aussi), à l'image de Chelonoidis carbonaria 'Cherry Head', qui lui correspond à des individus rouges de la jonction Bolivie-Brésil. Il faut cependant comprendre qu'il s'agit là simplement d'une proposition théorique qui nous semble logique, mais n'engage à rien de plus.
En conclusion, il ne fait aucun doute que Bour lui-même précisera dans les années à venir le statut exact de ces tortues. Pour l'heure, même s'il faut être conscient du caractère tangible de la taxonomie, on peut admettre, en l'absence d'alternative nomenclaturale, de parler de Testudo weissingeri notamment.
On aura bien compris que la situation est totalement différente concernant les boettgeri et les hermanni, qui dorénavant ont tout intérêt à être appelées Eurotestudo boettgeri et Eurotestudo hermanni.
Les références pour écrire cette note sont :
* Manouria n°22 spécial Testudo.
* Manouria n°31 p. 18 à 26.
* "Environnementally caused dwarfism or a valid species -Is Testudo weissingeri Bour, 1996 a distinct evolutionary lineage ? New evidence from mitochondrial and nuclear genomix markers" Fritz et al., Molecular Phylogenetics and Evolution 37 (2005) : 389-401.