Lundi, l'amour est dans l'à-peu-près

La nature a ses désirs, difficile de s’en dessaisir.
Parfois, soumis à une irrépressible et impatiente expression instinctive, l’amour est dans l’à-peu-près voire même aveugle, fourvoie notre cerveau triunique.

Entre la quête du gîte et du couvert, le farniente, nos tortues courent la prétentaine, s’y adonnent seules ou plus ordinairement avec d’autres, sans complexe et sans plainte, au gré de leur humeur primesautière.
Mère nature ne saurait réprouver leurs foucades envies, leurs égarements car elle les a conçues, corps et âme, mâle ou femelle pour l'assemblage, et bien innocentes. Ne sont-elles pas le fruit de son invention, de son expertise ? Gardons nous de désavouer la genèse, de nous élever au-dessus du créateur en agent censeur, d’ordonner les natives inclinaisons de nos petites âmes chéoliennes.
Inique... serait de me blâmer de ne pas avoir su éduquer leur conscience aux bonnes mœurs génésiques.
Aurais-je dû les esseuler chacune dans leur pré, les accoupler selon la raison patronique et chrétienne ou encore, au besoin, les affubler d'une bonne paire de lunettes.

Voyons cela d’un peu plus près. Venez avec moi et entrons dans mon jardin, entre fleurs et légumes en mél-ange tels que rutabagas, soucis, carottes, giroflées, radis noirs mais pas -radis roses, semés à la diable et non venus. Comme quoi, je n'ai pas la main sur tout.

Avec la chute des températures, vient la saison automnale ordonnant l’effeuillage des chênes et l'intumescence dernière des glands en leurs cupules avant flaccidité des tiges, le ralentissement des passions fauniques et floristiques précurseur de l’endormissement hibernal. Mais en ce lundi, le soleil dispense encore de chaleureux rayons. L’humide feuillée flavescente de mon abricotier tamise la lumière solaire d’une frémissante et pudique dentelle, couvre d’un poudroiement d’or et d’ombres légères le manège aimable de mes Terrapenes Triunguis.
L’une file le train à l’autre. A chaque arrêt de la première, la seconde la presse à répondre à son désir, l'invite à s'abandonner au plaisir d'autant que celle ci ne referme pas les plastrons mobiles de sa carapace dont le clos hermétique mettrait fin au débat, éconduirait le plus patient des galants. Probablement flattée d'être l'objet d'un tendre intérêt, elle se laisse espérer afin de ne pas décourager son prétendant.  Soucieuse de préserver son amour propre, le sens moral, elle se refuse un tantinet mais, surtout en secret, elle lanterne le délice d'être conquise tout en restant maître des prémisses. En son sein, elle goûte l'effervescence grandissante de ces douces esquisses. Alors, se tournant vers son poursuivant tout occupé à fricoter, elle joue l’ingénue, la surprise en son corps défendant, la patte sur le cœur :

- "Diantre, mon bel ami, que faites vous là, collé à mon train ? Ne voyez vous donc pas qui je suis ?" semble lui faire comprendre la genreuse tortue.

Point dupe de cette tortueuse bienséance affichée, animé par l'esprit entre-ouvert de sa promise, le charmant taiseux lui prodigue mille finesses dont les subtilités ne peuvent être couchées sur le papier non pas par pudeur mais parce que je me tiens éloigné et n'entends pas grand chose au déduit testudine trop sommaire à mon goût, à cette vérité nue trop rapidement dévoilée malgré quelques fallacieuses dérobades et préambulaires mainmises. Il manque à cette cour séductive un enivrant chouia de mots couverts, de douceurs sur la joue, sur la bouche et partout ailleurs, de la lingerie à découvrir, à ouvrir. Ici bas, l'habit ne fait pas le moins. Caressé du regard, du geste puis écarté, retroussé ou conservé sur la peau nue, il participe au trouble habilement voulu. Le plaisir tient à peu de chose et dure peu. Sitôt apparu, il meurt. En redemande, il demeure. La force du désir vient surtout de l’imagination qui pare la réalité d’attraits plus que de nature avant la possession, la consomption.

Non loin de là, cachée sous un édredon de feuilles déchues, une dame Terrapene, ne laissant voir qu'un œil, assiste aussi à cette passionnette, se bouge avec discrétion. Elle étire son cou pour ne pas perdre une miette de cette voluptueuse scénette. Curieuse, peut-être pâmée et envieuse, elle se tient en sa cachette telle une potinière se dissimulant derrière une persienne ajourée nommée jalousie.
Nullement incommodées par notre présence, mes deux tortues éprises de sentiments affichent leurs plus belles couleurs. L'une, bien campée sur ses pattes, la carapace soulevée se laisse faire tandis que l’autre, trouvant son équilibre acoquinée à sa voisine coquillée, s'affaire.
Morfondu, j'aurais pu l'être, au regard de ce convoi dont l'issue n'apportera, au printemps prochain, aucun œuf pondu. Car mes deux tortues aux langoureux comportements sont nées du genre masculin et d'ordinaire, ils lutinent la gente féminine. A croire que ce n'est pas toujours le charme de leurs copines qui les turlupine...ni la bible.

Quel joli conte ...  ...

Effectivement Pack, les "Boîtes" sont très "actives" à cette saison ...  ...  ...

Que de poésie, d'humour, de jeux de mots ... j'adore !