Un léger parfum de printemps... Le retour !

2 mars 2011.
Un rideau nuageux et chagrin obombre la lumière du jour dont le halo s’exténue en un clair-obscur tombant à l’eau. La couleur du monde alentour se dilue. Il pleut, il vente. Un journal abandonné vantant une future étoile portée aux nues, s’effeuille à la traîne, se livre à la ronde. Des pages tout retournées, attendries de pluie, se lient à la chaussée mouillée, mâchent leurs mots informes, et en tapons perdus, se mêlent aux pieds des passants. Je presse le pas, remonte mon pardessus et, au passage, salue mes voisins débordés par l’orage.

Aidé de son épouse armé d’un râteau, monsieur referme le creux d’un sillon perlé de petits pois émaciés, alignés sagement en file indienne sur le sentier de la glèbe. Avec cœur, monsieur et madame sèment… « comme avant, avant les menaces et les grands tourments ». « Découvrant le temps »* menant sur la voie du printemps, tous les deux s’activent sur la terre avec précipitation sous une giboulée en germination. Ils essaiment les délices à venir, ces tendres primeurs, et songent à ces séances d’épluchage rassembleuses et verbeuses, à ce temps plus vieux des cosses aux verts reliefs, «tobleronés» en doux bonnets couvrant des grains pleins et ronds, roublards et bondissants.

Sans attendre l’écho de mon salut, je m’engouffre prestement, tête baissée, à l’abri de mon foyer. Délivré de mes vêtements imprégnées, je m’égoutte, essuie une larme céleste s’effilant doucement au déroulé de ma joue. Puis, les mains en conque enserrant la chaleur d’un café aux volutes réconfortantes, mon regard se perd sur le fond de la petite cuillère. Le reflet de mon univers s‘est inversé. J’en suis là, assis, l’esprit penché et rasséréné, les paumes encore serrées, retenues à la tiédeur évanescente d’une tasse vintage Duralex au noir contenu désormais disparu. Il se fait tard et à l’heure où l’Ondine… remet le couvert, fait sa soupe à gros bouillon, trépigne drue et s’épanche sur le verre des fenêtres en ruisselants filets d’argent, je relève le nez pour apercevoir mon mâle Terrapene encerclant sa Belle enfermée en son palais.






Monsieur tournique, se fait homme en se dressant avec hardiesse au risque de la culbute, de se retrouver sur le dos, toupillant de la carapace et battant l’air de ses pattes impuissantes. Oublieux du temps qui passe, sourd à cette triste et ombreuse froidure tapageuse du dehors, au danger d’un équilibre précaire mené dans l’impatience, et pour ne point changer, notre libertin appelle madame de ses vœux à une tendre et complice reddition, juste une éphémère et virile victoire à son endroit. Il rêve à une implicite invitation à succomber aux charmes grisant d’un badinage poussé et capricant, émaillé auparavant de jeux perchés, du chat et de la souris, d’une joyeuse et courte poursuite croque-mitaine où les mots et la gestuelle convenues servent d’alibi au plaisir partagé et entendu. Il espère ce manège subtil sans préciosité qui se plie aux fantaisies du désir et dont la seule finalité est la jouissance du moment présent sans s’exposer aux cruels tourments de la passion ou de la morbide usure du sentiment amoureux éconduit par une trop grande proximité engagée à deux sur la vie de chacun.

Hélas, pareille à son habitude, Madame peu encline à une passion subite, subodorant une sensuelle et infuse foucade de la part de son prétendant, n’entrouvre guère ses portes et garde maison close. Du reste, au lever d’une tranquille hibernation, mon attachante petite bête n’a point la tête à chercher l’époux, l’ennui d’une étreinte tirée par les cheveux. Se sustenter et s’abandonner à quelques ablutions dans l’attente probable de ce déclic amoureux, fard de son instinct, semblent être ses premières et légitimes envies. Et pour info, rien ne presse, il se fait tard. Le jour n’est plus et la nuit s’en vient, enrobe les corps de mystères, les dérobe aux yeux concupiscents, assourdie toutes velléités animales…Enfin, pas pour tout le monde !

Le lendemain, Madame en son bain







Monsieur en son boudoir





* « Ils s’aiment » Daniel Lavoie

Une jolie page de la vie ...

Ah le bonheur de se lover dans l'odeur délicate et forte du café, se réchauffer d'un plaisir si simple quand dehors le soleil boude et que le ciel se répand à corps et à cris....

Pour ce qui est de tes si mignonnes boîtes, Madame a l'air peu joueuse au départ de l'action. Ben oui, les Messieurs ont de ces façons de vous surprendre au saut du lit qui n'engagent pas forcément.
Après son bain, toute proprette et guillerette, sans doute sera-t-elle plus avenante.
Mais j'ai l'impression que Monsieur, fâché de sa rebuffade fait la tête...
Donne-nous vite des nouvelles lorsque tu surprendras encore un de ces petits moments charmants...

Tes photos sont superbes

quel régal ! Merci Pack, car ce récit agrémenté de si belles photos est pour moi, un enchantement...

Et je songe au verbiage si cultivé et documenté d'un homme, savant entomologiste, que je vénère...et que j'adorais lire :
Jean-Henri Fabre dont les "Souvenirs entomologiques" sont une pure merveille ! savant éclectique, poète, mathématicien, aquarelliste, etc, etc... c'est un vrai bonheur de le re- découvrir et je vous le recommande ! :lol:

www.e-fabre.com

et si vous pouvez, lisez certains textes comme ceux-ci :

".....L'antique renommée culinaire, l'appétissante épithète "suavissima gustu", sont-elles méritées ? L'occasion est excellente, profitons-en ; remettons en honneur, s'il y a lieu, le mets vanté par Aristote. Rondelet, le savant ami de Rabelais, se fit gloire de retrouver le "garum", la célèbre sauce faite avec des entrailles de poissons pourris. Ne serait-il pas méritoire de rendre les tettigomètres aux gourmets ?

Une matinée de juillet, quand le soleil déjà brûlant engage les larves de Cigale à sortir de terre, toute la maisonnée se met en recherches, grands et petits. Nous sommes cinq à explorer l'enclos, les bords des allées surtout, points les plus riches. Pour éviter la rupture de l'écorce, à mesure qu'une larve est trouvée, je la plonge dans un verre d'eau. L'asphyxie arrêtera le travail de transformation. Au bout de deux heures d'une perquisition attentive, qui nous fait à tous ruisseler le front de sueur, me voilà muni de quatre larves, pas plus. Elles sont mortes ou mourantes dans leur bain préservateur ; mais qu'importe, destinées qu'elles sont à devenir friture !

La préparation est des plus simples, afin d'altérer le moins possible cette saveur qu'on dit exquise : quelques gouttes d'huile, une pincée de sel, un peu d'oignon, et voilà tout. La "Cuisinière bourgeoise", n'a pas recette plus sommaire. Au dîner, entre tous les chasseurs la friture se partage.

A l'unanimité, c'est reconnu mangeable. Il est vrai que nous sommes gens de bon appétit et d'estomac sans préjugé aucun. Cela possède même un petit goût de crevette qui se retrouverait, plus accentué encore, dans une brochette de criquets. Mais c'est coriace en diable, pauvre de suc, un vrai morceau de parchemin à mâcher. Je ne recommanderai à personne le mets glorifié par Aristote....."

n'est-ce-pas délicieux ?...

J'adore Monsieur en son boudoir...

TT a son Jean-Henri, la relève est assurée ! Et notre Pack n'a rien a lui envier
Du pur et grand bonheur

lapat a écrit:

TT a son Jean-Henri, la relève est assurée ! Et notre Pack n'a rien a lui envier
Du pur et grand bonheur

https://tortues-terrestres.forumactif.com/t74893p105-le-poids-des-mots-edite-le-22la-suite-une-idee-de-jeu#1147632



Lorsqu’arrivent les prémices hivernaux engourdissant le corps et l’esprit à la bagatelle, je dépose mes sages Terrapenes en leur « Eden ».
Bien vite, en ces tristes journées ombreuses graduellement déclinantes, celles-ci se terrent, ne laissant plus rien apparaître à la surface.
Non point la curiosité en berne mais le boulot oblige, je n’assiste guère à ces jours d’enterrement et parfois, je ne saurai dire avec précision où se trouve leur caveau.
Cette année, monsieur fut le premier à soulever le crêpe de sa fosse hiémale. Quelques jours plus tard, madame fit sa résurrection. Mes adolescentes furent plus tardives à sortir de leur calvaire. La jeunesse n’est jamais pressée à cueillir le temps dés son lever, l’avenir leur appartient. Mesurant le passé et l’incoercible écoulement des ans, leurs aînés admettent peu les temps morts, se tiennent plus sur le qui-vive.
Ainsi, ces semaines dernières, en des discrets recoins, monsieur toupilla à loisir sans obtenir la réussite au bout. Mais un jour, il fit un tel tapage, bouscula tant le sol autour de sa tentatrice qu’il découvrit et réveilla la voisine secrètement lovée en dessous.




Monsieur à la verticalité de son désir invitant madame à d’autres horizons… avec insuccès car la belle ne saurait s’abandonner à la licence devant de jeune témoin.
Remarquez au passage que monsieur, le cœur à l’envers et la tête ailleurs ou très latitudinaire, ne se présente pas à la bonne extrémité féconde de sa « langoureuse » amie.



Après l'effort, le réconfort... une feuille d'endive et la cuillerée de foie de volaille sera dévorée ensuite.

Quelle santé ce Pépère ... le printemps éveille en lui tous les sens ...

Aujourd'hui


Il n'a toujours pas perdu le sens du contact




Une TC Major en son bain