Dehors, le temps est pluvieux, plus vieux d’un an. Insensibles à l’écoulement des jours, dans leur abri au toit vernissé de pluie glacée, les E.T.Hermanni rêvent toujours. A l’inverse, dans la quiétude de mon foyer, loin des virus qui vous agrippent les membres et le nez, j’hiverne. Café serré entre les mains, j’entasse les mots avec peine. Je bûche à la flamme d’un feu de bois sur la genèse de mon jardin secret où vivent mes terrapènes.
Une idée passe…La terre est basse, douloureuse à remuer. A chaque anniversaire, le corps se lasse, se casse. L’idée m’est venue de réaliser de hauts bacs potagers et de les présenter aux gens âgés car certains, encore très verts et peu envieux de leur âge, se donnent à corps perdu dans le jardinage. Ainsi, le pré à la pelouse policée donna le champ libre à de curieuses constructions hissées. Hélas, de paroles en sous-entendus dévoilés, ces messieurs aux tempes argentées n’entendaient pas se livrer à de subversives dépenses. Dire que cette affaire ne vaut pas un radis serait mentir mais ce genre d’installation peut s’accommoder de moyens simples et peu onéreux. Plus terre à terre, la gent féminine fut moins rétive, plus visionnaire et plus pratique. Elle imaginait un florilège de carrés débordant d’herbes aromatiques, de géraniums, dahlias et soucis… sans les soucis lombaires… mais sans sous car ces messieurs détiennent la force d’entreprise et les cordons de la bourse. Gageons que ces dames, à forces de charmes et de persuasions arrivent à leur fin auprès de leurs tendres et généreux époux.
Différents bacs présentés. Celui de gauche en noir a une longueur de 3,80 m, une largeur de 1,15 m pour une hauteur de 1,10 m.Parc extérieurOrienté au sud, ombré d’arbres fruitiers, constituées de plaques à clôture en béton, le bac s’étend sur une longueur de 7,60 m pour une hauteur de 0,70 m. La main devant en atteindre le mitan de chaque coté, la largeur ne dépasse pas 1,20 m. Le maintien est assuré par une ceinture et des montants en bois. Rempli de terre légère, couvert d’une plaque rigide et transparente, ce berceau donna naissance à quelques primeurs. Quelques mois après l’épiphanie, des légumineuses à la silhouette royale, présentèrent leurs fèves. Son alter-ego le pois, portant haut ses gousses perlières, régala les pigeons chapardeurs. En vastes robes, plantées en rang d’oignons, les salades valsèrent au rythme de mon appétit ou se retrouvèrent en haillons après le passage vorace des limaces. Moult autres légumes virent le jour, poireautèrent tout l’hiver et constituèrent matière à des soupes roboratives. Puis ce fut la fin des haricots. La faisabilité étant prouvée, la jardinière fut divisée en enclos et mes terrapènes s’y installèrent de mai à octobre au gré des foucades climatiques. Un compost miné de vers fut ajouté, quelques branches, des pierres et un point d’eau furent déposées sur un lit de feuilles et de mousse. En bout, une cabane fut construite. Il est ainsi agréable d’ouvrir celle-ci sans courber l’échine, de poser une fesse légère (très légère la fesse !) sur la rambarde en bois, d’observer mes pépettes à hauteur d’homme. Plus près des yeux, plus près du cœur mais surtout, elles sont plus visibles pour les papis et mamies à la vue déficiente. La hauteur du bac limite l’intrusion des chiens et chats. Un treillis en fer à terrasse vient couvrir le tout, repousse d’éventuels prédateurs de haut vol.
Territoire de MonsieurSa cabaneAlimentationTorsades de lombrics, escargots servis en coquilles concassées, arions gluants et sa garniture de salades diverses constituent les mets principaux. Parfois, l’âme chasseresse, de kaki vêtu, clopin-clopant, je m’en vais sonner aux portes des cloportes, parcourir la terre ronde en quête d’une cohorte de rampants. Je m’enfonce parmi l’osmonde ou l’herbe blonde, je titille le grillon rhumatisant, capture à la volée la sauterelle ingambe et libère ma provende dans l’arène des tortues. Celles-ci profitent aussi de mes repas. Avec parcimonie, des morceaux crus de poissons, d’abats, de poulet, de viandes rouges leur sont présentés de bonne grâce mais dégraissés. Lorsque les gastéropes se font plus frileux, les insectes plus discrets, des croquettes à chat et des granulés d’exo terra sont offerts. Des fruits agrémentent leurs repas et le prunier avoisinant participe à la distribution. Ainsi, de bon matin, Les terrapènes s’offrent une prune à jeun et s’en vont, courantes, assiéger un petit coin, jouer d’immobilisme à l’affût de la loche égarée ou du vermisseau téméraire. Car sur une semaine, elles doivent se débrouiller seules pendant deux jours non consécutifs. Une fois par mois, afin d’avoir la pêche, un complément vitaminique est déposé sur leur nourriture lorsqu’elles se trouvent enfermées à la maison.
Parc intérieurDans l’attente d’un long sommeil ou de jours meilleurs, les tortues boites s’ouvrent à la sérénité d’une pièce végétalisée de 12 m². Plantés en pleine terre, le pied sous un tapis d’écorces, philodendrons, passiflores et autres occupent l’espace, assainissent l’air ambiant, filtrent l’eau du bain. Initialement prévu pour accueillir un couple de Diamants de Gould et une paire de Cailles Peintes de Chine, le projet de volière est devenu un terrarium avec un trou d’eau de 2 m3 où Tanichthys, Barbus Conchonius, Barbus Schubertis, Corydoras Paleatus et Danios se coursent en nage. Au sous-sol, une vitre donnant sur la partie immergée du bassin, permettait d’assister aux ablutions de madame Terrapène entourée de sa myriade de poissons lui mignotant le corps. Face à cette étendue liquide, son compagnon m’a semblé plus ballot. Pour ne point courir le risque d’une noyade, une bordure en interdit les abords. Dans un recoin discret, au rythme d’une plage horaire, des lampes chauffantes et U.V, rayonnent, invitent les tortues à une pause farniente.
Il est plaisant de les voir déambuler, jouer à cache-cache, venir chercher un vers, en un mot, de profiter pleinement de ce petit coin de nature en pièce, fragile morceau de vert réfléchissant la lumière dans l’habitation.
Le jardinet Vue d'une chambreEntrée côté séjourVue du séjour-cuisineDifférentes vues de la mezzaninePhilo partant à l'assaut d'une chambreVue du salonBassin intérieurMadame se la coulant douceSon compagnon hésite devant la douche
HibernationVoici un thème qui me fait encore froid dans le dos.
Lors de l’acquisition de mon mâle qui s’est avéré être une femelle (voir le sujet Topic or not topic…), le professionnel de la jardinerie me vendit aussi sa compagne d’infortune, une femelle Triunguis toute brune. Aux dires du vétérinaire quelque peu désemparé, toutes deux souffraient de déshydratation et d’anorexie. Pendant deux ans et sans hibernation, un vivarium les a accueillies histoire qu’elles reprennent vie et prennent du poids. La troisième année, elles furent vermifugées et libérées dans le bac extérieur puis, à la morte saison, dans le jardin intérieur. Là, selon leur envie, elles allaient sous la lampe chauffante mais très vite, elles s’isolèrent sous la terre (température 14°c, 75% d’humidité), entrèrent en hibernation fin octobre. Elles se réveillèrent mi-mars et repartirent se cacher pour un petit roupillon de quinze à trois semaines. L’année suivante, afin d’être en phase avec la littérature scientifique, je les ai laissées s’endormir à l’extérieur dans leur cabane sous un épais édredon de feuilles moussues. En prévision d’une chute du mercure à -7°c, elles furent déplacées toujours endormies au sous-sol du garage où la température se stabilise entre 5 et 8 °C.
Ma petite brunette ne se réveilla jamais. Elle s’en est allée sans bruit… en douce, m’abandonnant à vie aux remords.
A cette heure, mon mâle et ma femelle sommeillent profondément dans le parc intérieur. Au début du mois de septembre, ils se sont découverts. Sans pudeur, avec longueur et à maintes reprises, ils ont abandonné leurs cœurs aux natives voluptés charnelles. Puis, ils se sont endormis quelque part, du coté ouest de leur éden, sans doute à proximité l’un de l’autre et j’attends, j’attends le printemps… C’est vrai, l’hiver dure trop longtemps...
Préparation au grand sommeilLes lettres se font minuscules. Il faut conclure cette page, ce carré blanc.Dehors, le temps s’écoule goutte à goutte. Là haut, à travers son imperméable de nuages, l’impudique étoile des ténèbres montre sa lune, disperse un rai fugitif de lumière. Nuit d’encre dépourvue d’oiseaux à plumes où nul hibou ne s’écrie, ne chuinte sa chouette romance, n’effraie la pluie. Et je songe. Désormais, je ne puis plus rien vous livrer, vous offrir à lire ou vous ennuyer. Souffrez donc cet ultime texte aux mots trop bavards. Je m’en vais me draper de silence, cueillir quelques douceurs au cœur de mon duvet. Ne laissons pas s’endormir les rêves…
Bonne nuit à vous !
Les habitants, quelques fleurs et autre occupantMonsieurEt encore luiMadameEncore madame après le bain Naissance d'un Machaon dans le jardinet Quelques fleurs